Une étude en lien avec la pandémie de Covid-19
Synthèse de l’article : Cauberghe, V., Van Wesenbeeck, I., De Jans, S., Hudders, L., & Ponnet, K. (2021). How adolescents use social media to cope with feelings of loneliness and anxiety during COVID-19 lockdown. Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking, 24(4), 250-257. https://doi.org/10.1089/cyber.2020.0478
Synthèse rédigée par Pauline Lecomte, Master 2 de Psychologie du développement, éducation, troubles et problématiques actuelles, Université Paris 8
Outre les problèmes de santé physique et les dommages économiques, la pandémie de COVID 19 a entraîné des problèmes de santé mentale (Cauberghe et al., 2021). Dès lors, l’anxiété et la solitude non cessé d’évoluer, qui plus est lors des confinements. L’anxiété est un phénomène physiologique naturel en réponse à un danger ou à un stress. Le fonctionnement de notre organisme se modifie, avec le plus souvent une accélération du rythme cardiaque, des troubles du sommeil, une augmentation de la transpiration et, parfois, des difficultés à respirer ou une mise en retrait (Inserm, 2021). Qui n’a jamais été anxieux à l’idée d’un premier jour d’école, d’une présentation orale ou d’un évènement imprévisible ? Quant à la solitude, c’est également un sentiment bien connu de tous. Il s'agit d'un fait, et non d'une émotion : lorsque personne n'est à vos côtés, vous êtes seul. Cela peut correspondre à une tristesse, un manque, une sensation d’incomplétude ou encore un isolement social parfois choisi… mais souvent subi.
Quel rôle des réseaux sociaux dans tout cela ?
Bien qu’ils puissent amplifier les émotions négatives des aspects positifs découlent de l’utilisation des réseaux sociaux comme notamment la mise en place de stratégies d’adaptation dans la gestion de l’anxiété et de la solitude (Cauberghe et al., 2021).
Quoi de mieux, que les réseaux sociaux pour parler des réseaux sociaux ?
L’enquête conduite par Cauberghe et al. (2021) a été relayée sous forme de questionnaire en ligne dans les écoles, l’aide aux familles et par le biais des réseaux sociaux. La collecte de données a permis d’obtenir la réponse de 2165 adolescents belges âgés de 13 à 19 ans, entre le 16 et le 30 avril 2020.
Mais pourquoi l’étudier seulement chez les adolescents alors que la crise sanitaire a touché tout le monde ?
Chez les adolescents, lorsque les contacts sociaux ou physiques sont coupés, le risque d’isolement social est plus élevé. En effet, les processus de comparaison sociale s’activent automatiquement, les incitant à fortement se fier à leurs pairs afin d’obtenir leur approbation et donc se sentir bien dans leur peau et réduire leur incertitude (Crone & Fuligni, 2019 ; Festinger, 1954). Ce sentiment de solitude peut s’intensifier et peut être lié négativement au sentiment de bonheur.
Pour cette recherche, les chercheurs se sont appuyés sur la théorie de la gestion de l’humeur (Greenwood & Long, 2009) selon laquelle les individus utiliseraient (non intentionnellement) des médias spécifiques pour réguler leurs états émotionnels et obtenir une humeur plus positive ainsi qu’un niveau d'éveil optimal. La situation liée au COVID-19 pouvant conduire à des sentiments d'anxiété ou de solitude, l'utilisation des réseaux sociaux peut être une stratégie précieuse pour y faire face.
Par le biais des réseaux sociaux, les chercheurs ont étudié le rôle de différentes stratégies d’adaptation - adaptation active, relations sociales et humour - sur l’effet de la solitude et de l’anxiété, et sur le sentiment de bonheur.
Dans la présente étude, trois stratégies d'adaptation utilisant les réseaux sociaux sont examinées sur la base de l'inventaire d'adaptation défini par Carver en 1997.
Le premier facteur concerne les aspects relatifs à la manière dont les réseaux sociaux sont utilisés pour faire face à la crise de manière active (affronter le problème, acceptation de la situation actuelle, recherche d'informations sur les mesures, pensée positive sur la situation). Même si les individus n’ont peu, voire pas du tout de contrôle sur la crise, ils peuvent néanmoins chercher des actions pour réduire leur détresse, c’est ce que l’on appelle le coping actif (Paulhan & Bourgois, 1995). Les réseaux sociaux sont aussi souvent utilisés par les gouvernements pour diffuser des informations sur les mesures.
Le deuxième facteur correspond à l’utilisation des réseaux sociaux comme source primaire pour faire face au manque de relations sociales. Plus précisément, des recherches ont montré que les jeunes qui font état de relations sociales positives sur les réseaux sociaux sont plus aptes à faire face aux crises (Ronen et al., 2016 ; Valkenburg et al., 2006).
Le troisième facteur fait état de divertissements, comme par exemple jouer à des jeux ou regarder des vidéos amusantes. L'humour peut avoir une influence bénéfique sur le bonheur des individus, en réduisant l'attention portée aux sentiments négatifs.
Quels résultats ont-ils obtenus ?
Ces différentes stratégies nous apprennent que les personnes anxieuses utilisaient le plus souvent les réseaux sociaux pour gérer activement la crise et rester en contact avec les autres, et non pour se divertir. Les personnes solitaires utilisaient plus souvent les réseaux sociaux pour garder un contact social, que pour gérer la crise ou pour se divertir. En revanche, les sentiments d'anxiété et de solitude plus élevés étaient associés à des sentiments de bonheur plus faibles. Plus particulièrement, la solitude était plus fortement et plus négativement liée aux sentiments de bonheur.
Les parents et les adolescents ont souvent du mal à s’accorder sur ce sujet que sont les réseaux sociaux, à l’origine de bien des conflits. En effet, il y a presque 30 ans, les consoles étaient récentes et peu de foyers disposaient d’ordinateur. En mars 2020, une pandémie a touché la planète entraînant bon nombre d’adolescents sur les réseaux et bon nombre d’inquiétudes grandissantes pour les parents. Et ce, alors qu’eux-mêmes adolescents ont pour la plupart connu le développement des nouvelles technologies. Cette étude montre que les réseaux sociaux peuvent être utilisés comme stratégie d’adaptation face au sentiment d’anxiété pendant la pandémie, mais également au cours des différents confinements. Il en ressort que les personnes anxieuses ont favorisé internet pour garder un contact social plutôt que pour se divertir. En voilà une bonne nouvelle, enfin un aspect positif des réseaux sociaux !
Les réseaux sociaux doivent être utilisés différemment en fonction de l’âge et il faut rester vigilant à leur impact. Cependant, si vous culpabilisez d’avoir trop laissé votre enfant sur les réseaux sociaux pendant le confinement, vous lui avez peut-être permis d’aider quelqu’un, voire d’être aidé.