Synthèse de l’article : Schreurs, L., & Vandenbosch, L. (2022). Different interactions with appearance-focused social media content and adolescents body dissatisfaction: A within-person perspective. Computers in Human Behavior, 135, 107364. https://doi.org/10.1016/j.chb.2022.107364
Synthèse rédigée par Jémaa NOURI, Stanlanti MZEHEME & Cécilia BOUCAUD, Master 2 Psychologie du Développement, Université Paris 8
Médias sociaux et insatisfaction corporelle
Plus de 70% des plus de 13 ans utilisent internet pour les plateformes suivantes : Tik tok, Snapchat, Instagram, Youtube (Ipsos,2022). Au travers de ces médias sociaux, les utilisateurs s’exposent à un nombre considérable d’images qui renforcent l’importance que l’on accorde à l’apparence et le besoin de correspondre à des critères de beauté spécifiques voir irréalistes.
Les études ayant examiné l’impact de l’utilisation des réseaux sociaux sur l’image corporelle indiquent qu’il existe un lien entre l’exposition au contenu des médias sociaux et l’insatisfaction corporelle (Rousseau et al., 2017 ; Cohen & Balszczynski, 2015).
Ces recherches se sont appuyées principalement sur les liens entre la publication de contenu axés sur l'apparence sur les médias sociaux et l'insatisfaction corporelle, mais il existe plusieurs façons dont les utilisateurs des médias sociaux peuvent interagir avec le contenu (Tiggemann & Vélissaris, 2020). D'autres interactions, telles que le fait d’aimer et de commenter les publications axées sur l’apparence, peuvent être étudiées afin d’obtenir une image plus précise de la façon dont l'utilisation des médias sociaux informe l'image corporelle des adolescents.
Une étude longitudinale de vaste ampleur
L'utilisation des médias sociaux a souvent été liée à l'insatisfaction corporelle des adolescents, mais les études longitudinales (c’est-à-dire le suivi d'une population ou d'un phénomène dans le temps) sur cette relation sont rares. Schreurs et Vandenbosch (2022) mettent en avant l’intérêt d’une étude longitudinale, puisqu’elle permet de mesurer l’impact d’un comportement à un temps donné sur un autre comportement ou processus quelques mois plus tard, auprès des mêmes individus. L'objectif est de faire progresser la compréhension expérimentale actuelle, tout en apportant une validité écologique plus élevée (Vandenbosch et al., 2022). Ainsi, le présent article étudie un panel longitudinal, à grande échelle, sur trois périodes (W1/W2/W3).
Objectif de la recherche
Plusieurs variables telles que l’exposition, les « j’aime », les commentaires positifs, la publication, le sexe et le temps sont prises en compte dans cette recherche. L’objectif est d’obtenir une image précise de la façon dont l'utilisation des médias sociaux nous informe à propos de l'image corporelle des adolescents, et ce dans le temps.
Les chercheurs s’attendent à observer une association positive entre : (a) l'exposition a un contenu axé sur l'apparence et l'insatisfaction corporelle des adolescents au fil du temps, (b) le fait d’aimer ou de commenter des contenus axés sur l’apparence et l'insatisfaction corporelle, et (c) entre la publication de contenus axés sur l'apparence et l'insatisfaction corporelle.
Procédure utilisée pour atteindre cet objectif
1032 adolescents filles et garçons, âgés de 11 à 22 ans ont rempli des questionnaires portant sur l’insatisfaction corporelle et l’interaction avec le contenu des médias sociaux axé sur l'apparence, au cours de trois premières périodes (septembre-octobre 2019, janvier-février 2020 et mai-juin 2020).
L'insatisfaction corporelle a été mesurée à l'aide de l'échelle d'évaluation des figures de Stunkard représentant 9 silhouettes pour les filles et les garçons (allant de 1 extrêmement mince à 9 extrêmement large). Il était demandé aux adolescents d'indiquer la silhouette qui leur ressemble le plus, puis d'indiquer la silhouette à laquelle ils aimeraient ressembler (Stunkard et al., 1983).
Concernant l’interaction avec le contenu des médias sociaux axé sur l'apparence, les adolescents devaient répondre à la question suivante : « Lorsque vous publiez quelque chose sur les médias sociaux publiques, à quelle fréquence ces publications contiennent-elles des messages sur lesquels vous a) êtes belle et b) montrez de beaux vêtements. Ils ont ensuite indiqué à quelle fréquence d’exposition à des « like » et a des commentaires positifs à l'aide d'une échelle de Likert en 5 points, allant de jamais (=1) à très souvent (=5) (Schreurs & Vandenbosch, 2022).
Des résultats inattendus
Contrairement aux hypothèses formulées, aucune relation significative n’a été mise en évidence entre l’insatisfaction corporelle et les commentaires ou l’appréciation positive (j’aime) au fil du temps.
Par ailleurs, une augmentation dans la publication de messages axés sur l'apparence conduit à une diminution de l’insatisfaction corporelle quatre mois plus tard.
Enfin, de façon inattendue, il a été montré chez les garçons seulement, qu’une augmentation de l’exposition à des messages axés sur l’apparence était liée à une diminution de l’insatisfaction corporelle quatre mois plus tard.
Conclusion
Contrairement à ce qui est souvent suggéré dans l’utilisation des médias sociaux, les résultats de cette recherche n’indiquent pas d’impact négatif de ces médias sur l’image corporelle des adolescents. En effet, les résultats ont montré un rôle moins évident du contenu axé sur l'apparence sur les médias sociaux, notamment sur la durée, et un effet plutôt positif de la publication de contenus axés sur l’apparence.
Au vu des résultats, et des croyances populaires, il serait intéressant de démystifier les effets néfastes d’une grande utilisation des médias sociaux chez les adolescents filles ou garçons.
En effet, il a été montré que l’utilisation des réseaux sociaux possède un versant positif notamment sur la gestion des relations interpersonnelles et le développement des liens (Wang & Edwards, 2016). Aussi, chez les adolescents, certains réseaux sociaux favorisent l’échange de ressources ou de contenu bénéfique et contribue à un développement plus positif (Lee & Horsley, 2017 ; Radovic et al ; 2017). Il est également intéressant de souligner que malgré l’omniprésence de mannequins au corps illusoire, le fait d’être exposé à des images de mannequins grande taille entraîne une plus grande satisfaction corporelle et une moins grande comparaison (Clayton, et al., 2017).
REFERENCES