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Les interactions sociales en ligne impactent-elles le bien-être des adolescents ?

Dernière mise à jour : 25 sept. 2023

Synthèse de l’article : Achterhof, R., Kirtley, O. J., Schneider, M., Hagemann, N., Hermans, K. S. F. M., Hiekkaranta, A. P., Lecei, A., Lafit, G., & Myin-Germeys, I. (2022). Adolescents’ real-time social and affective experiences of online and face-to-face interactions. Computers in Human Behavior, 129, 107159. https://doi.org/10.1016/j.chb.2021.107159


Synthèse rédigée par Eléa d’AMBROS et Anaëlle KERISIT, Master 2 de Psychologie du Développement, Université Paris 8.


85% des adolescents utilisent chaque jour leur téléphone pour communiquer entre eux et 51% déclarent le faire dans le but de maintenir des liens sociaux (Raffin, 2021 ; Ramsay Santé, 2022). Pourtant tous n’en tirent pas les mêmes bénéfices.


Les interactions en ligne contribuent-elles au bien-être des adolescents ? Et vous, qu’en pensez-vous ?

Depuis l’essor des nouvelles technologies et des interactions en ligne, il y a une dizaine d’années, la problématique de la santé mentale a opéré un virage dans le monde numérique, et plus particulièrement chez les adolescents. En effet, l’utilisation d’Internet peut exposer un jeune public à des risques potentiels, comme le harcèlement, l’intimidation, ou encore l’exposition à des contenus à caractère pornographique ou violent. De même, consulter les réseaux sociaux plusieurs heures par jour peut générer une baisse de l’estime de soi ou de la confiance en soi, voire même l’augmentation des symptômes dépressifs (Psycom, 2020).

D’après l’INSEE, 77 % de la population mondiale âgée de plus de 15 ans possédait un smartphone en 2021. Plusieurs chercheurs se sont intéressés à l’impact de l'utilisation de ces nouvelles technologies sur le bien-être et le développement des adolescents, mais ils ont obtenu des résultats contrastés (Haidt & Twenge, 2021 ; Twenge et al., 2020).


Le bien-être d’un individu peut s’observer au travers de ses perceptions du bonheur, de sa satisfaction de vie, ou encore de son niveau de stress (Weinstein, 2018). On peut distinguer le bien-être affectif, qui renvoie plus particulièrement aux expériences d'affects positifs et négatifs, l’affect faisant référence aux humeurs et aux émotions agréables et désagréables (Diener & Suh, 1997), et le bien-être social faisant référence au ressenti d’un individu et à ses interactions au sein d’un groupe de personnes, et plus largement de la société (Keyes, 1998).

Achterhof et al. (2022) étudient ainsi l’effet des interactions en ligne et des interactions sociales In Real Life (IRL), soit en face-à-face, sur le bien-être social et affectif des adolescents. Ils cherchent à identifier quelles dimensions de la relation numérique agissent sur le bien-être social ou le bien-être affectif immédiat. Ils comparent alors l’effet des interactions IRL sur le bien-être social et affectif à (a) l’effet des interactions sociales qu’entretiennent les adolescents en ligne et (b) à l’effet de l’absence de relations. Ils s'attendent à observer une amélioration du bien-être des adolescents lors d’interactions en face-à-face par rapport aux interactions en ligne et à l’absence d’interactions.


La méthodologie employée dans l’étude

Cette étude porte sur un total de 43226 observations réalisées auprès de 1705 adolescents âgés de 12 à 18 ans, recrutés dans 22 écoles secondaires (correspondant - en France au collège) en zones rurales et urbaines de cinq provinces flamandes en Belgique.


Tous les participants ont reçu un téléphone Motorola Moto E4 sur lequel était installée l’application mobileQ, qui permettait de récolter des données sur leurs interactions sociales en ligne et leur bien-être quotidien. Pendant six jours, les participants recevaient plusieurs fois par jour une alerte de l’application et disposaient d’un temps limité de 90 secondes pour répondre à un questionnaire. Il leur était ainsi demandé de garder leur téléphone à proximité et de répondre aussi rapidement que possible aux questionnaires présentés, sans toutefois nuire à leur vie quotidienne.


Les questionnaires présentés comprenaient des questions concernant :

- Le type d'interactions, via trois items différents : « Compagnie en face à face » (p.ex. Avec qui suis-je ? avec dix réponses possibles (p.ex. Ami, personne, etc.) ; « Interaction en face-à-face » (question de suivi pour les participants qui ont indiqué être en compagnie d'autres personnes (p.ex. Nous faisons quelque chose ensemble) noté de 1 (pas du tout) à 7 (beaucoup) ; « Interaction en ligne » (p.ex. Je suis virtuellement en contact avec d'autres personnes, évalué par « Oui » ou « Non »). La variable type d'interaction répertoriait ainsi quatre situations d'interactions différentes : Pas d'interaction ; Interaction en ligne uniquement ; Interaction en face à face uniquement ; Double interaction.


- Les affects positifs, négatifs et la solitude (p.ex. Je me sens détendu ; Je me sens satisfait ; Je me sens anxieux).


- La qualité sociale lors des interactions, c’est-à-dire le ressenti des participants, (p.ex. pour les participants ayant précédemment indiqué qu’ils avaient des relations en face-à-face : Je me sens à l’aise dans cette relation/interaction, Je me sens à ma place ; pour les participants ayant indiqué avoir des interactions en ligne : Je me sens à l’aise avec les personnes avec qui je suis en contact virtuel, Je me sens apprécié par les personnes avec qui je suis en contact virtuel). Tous ces items étaient notés de 1 (pas du tout) à 7 (beaucoup).


- Une échelle de soutien social en 12 items (Social Support List-Interactions – SSL-I-12, Van Sonderen, 2012), p.ex. À quelle fréquence arrive-t-il que les gens s'intéressent à vous ? ; A quelle fréquence arrive-t-il que les gens vous donnent de bons conseils ?, noté de 1 (rarement ou jamais) à 4 (très souvent).


Quelles conséquences des interactions sociales sur le bien-être des adolescents ?

Les résultats révèlent que, lors des interactions en face-à-face, les participants rapportaient plus d’affects positifs, moins d’affects négatifs et moins de solitude que lors d’interactions en ligne. Les adolescents ayant à la fois des interactions en face-à-face et des interactions en ligne (situation de double interaction) présentaient des affects plus positifs que lorsqu’ils interagissaient uniquement en ligne ou uniquement en face-à-face. Cependant, la qualité sociale en situation de double interaction était plus faible que lorsque les participants étaient dans une interaction uniquement en ligne ou uniquement en face à face. Les participants qui n’étaient pas en situation d’interaction ont révélé des affects positifs significativement inférieurs que lorsqu'ils étaient en interaction en ligne uniquement.


Enfin, les adolescents présentant un niveau de soutien social plus élevé (défini comme

le fait d’avoir des personnes sur lesquelles ils peuvent compter), étaient plus susceptibles de connaître une augmentation importante de leurs affects positifs lors d’interactions en ligne (en comparaison de l’absence d’interactions), que ceux présentant des niveaux de soutien social inférieurs.


Quelles conclusions en tirer ?

La recherche menée par Achterhof et al. (2022) nous permet de prendre conscience des bienfaits potentiels des interactions en ligne sur le bien-être des adolescents. En effet, dans la vie de tous les jours, pour renforcer à court terme un affect positif, avoir une interaction en lignesemble être une approche adaptée. Par ailleurs, avoir une interaction en face-à-face pourrait également soulager l’affect négatif et apaiser la solitude. Les situations de double interaction produisent des affects plus positifs par rapport aux interactions en face-à-face ou en ligne. Les adolescents se sentent aussi plus appréciés et à l’aise dans les situations de doubles interactions. Cette étude est novatrice dans le domaine des relations entre nouvelles technologies et bien-être car elle a permis l’étude des ressentis des adolescents au moment même où les interactions se produisent.


Pour les professionnels, ces pistes de réflexion peuvent les aider à développer des techniques appelées « interventions écologiques momentanées » (IEM), avec par exemple des applications mobiles, ou des assistants numériques pour améliorer le bien-être des utilisateurs qui interagissent en ligne (Myin-Germeys et al., 2016), en accord avec le besoin des adolescents d’échanger en ligne.


RÉFÉRENCES
Achterhof, R., Kirtley, O. J., Schneider, M., Hagemann, N., Hermans, K. S. F. M., Hiekkaranta, A. P., Lecei, A., Lafit, G., & Myin-Germeys, I. (2022). Adolescents’ real-time social and affective experiences of online and face-to-face interactions. Computers in Human Behavior, 129, 107159. https://doi.org/10.1016/j.chb.2021.107159
Diener, E., & Suh, E. (1997). Measuring quality of life: Economic, social, and subjective indicators. Social Indicators Research, 40(1-2), 189–216. https://doi.org/10.1023/A:1006859511756
Dienlin, T., & Johannes, N. (2020). The impact of digital technology use on adolescent well- being. Dialogues in Clinical Neuroscience, 22(2), 135–142. https://doi.org/10.31887/DCNS.2020.22.2/tdienlin
Haidt, J., & Twenge, J. M. (2021, juillet 31). This Is Our Chance to Pull Teenagers Out of the Smartphone Trap. The New York Times. https://www.nytimes.com/2021/07/31/opinion/smartphone-iphone-social-media-isolation.html
Insee (2022, janvier 24). 94 % des 15-29 ans ont un smartphone en 2021—Insee Focus—259. https://www.insee.fr/fr/statistiques/6036909
Keyes, C. L. M. (1998). Social Well-Being. Social Psychology Quarterly, 61(2), 121.
doi:10.2307/2787065
Myin-Germeys, I., Klippel, A., Steinhart, H., & Reininghaus, U. (2016). Ecological momentary interventions in psychiatry. Current Opinion in Psychiatry, 29(4), 258–263. doi:10.1097/yco.0000000000000255
Psycom. (2020). Santé mentale et numérique. chrome extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://www.psycom.org/wp-content/uploads/2020/11/Sante-mentale-et-numerique-2020.pdf
Raffin, E. (2021, février 5). Étude sur les jeunes et les réseaux sociaux : 72 % des 16-18 ans n’utilisent pas Facebook. BDM. https://www.blogdumoderateur.com/etude-jeunes-reseaux- sociaux/
Ramsay Santé. (2022). Jeunes et écrans : Pour le meilleur et pour le pire 72% des 15-25 ans entretiennent une relation toxique avec leur téléphone. https://presse.ramsaygds.fr/communique/212926/-Jeunes-ecrans-pour-meilleur-pour-pire-72- 15-25-ans-entretiennent-relation-toxique-avec-leur-telephone?cm=1
Scholte, E. M., & Van der Ploeg, J. D. (2013). Vragenlijst Psychosociale Vaardigheden (VPV). Handleiding.
Twenge, J. M., Joiner, T. E., Rogers, M. L., & Martin, G. N. (2020). Considering All of the Data on Digital-Media Use and Depressive Symptoms: Response to Ophir. Clinical Psychological Science. https://doi.org/10.1177/2167702619898179, 216770261989817.
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