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Prise de risque à l’adolescence : quels sont les facteurs qui l’influencent ?

Synthèse de l’article : Guo, Y., Yang, Y., Deveaux, L., Dinaj-Koci, V., Schieber, E., Herbert, C., Lee, J., & Wang, B. (2023). Exploring effects of multi-level factors on transitions of risk-taking behaviors among Bahamian middle-to-late adolescents. International Journal of Behavioral Development, 47(3), 210‑220. https://doi.org/10.1177/01650254221148117
 
Synthèse rédigée par : Emilie HUBERT, Master 2 de Psychologie du développement, Université Paris 8
 

L’adolescence : une période de construction critique

            « L'adolescence ne laisse un bon souvenir qu'aux adultes ayant mauvaise mémoire » disait François Truffaut. L’adolescence est en effet une période parfois difficile à passer, marquée par un développement physiologique, psychosocial et neurologique important. Elle est également associée à une augmentation des comportements de recherche de sensations et de prise de risque (Steinberg, 2004).

            La prise de risque est définie comme un engagement, délibéré ou non, dans un comportement « impliquant des conséquences négatives potentielles, nuancées par la perspective de conséquences positives » (Moore & Gullone, 1996, p. 347) Parmi ces comportements, on compte la délinquance, l’abus de substances ou encore l’activité sexuelle à risque, ces derniers étant  hautement corrélés les uns aux autres.

            Afin de prévenir les comportements à risque à l’adolescence, et ainsi éviter leurs potentielles conséquences néfastes, il est essentiel d’identifier les facteurs qui favorisent ou réduisent les comportements à risque afin de développer les interventions dans ce domaine. C’est dans cette optique que Guo et ses collaborateurs (2023) ont mené cette recherche.

 

Recherche de Guo et collaborateurs, 2023

            En 2023, Guo et al. (2023) ont cherché à identifier les facteurs qui favorisent la prise de risque, qu’ils nomment « facteurs de risque sociaux à plusieurs niveaux ». Les auteurs ont ainsi cherchés à évaluer l’influence, sur les comportements à risque, de facteurs individuels et interpersonnels : pairs, pratiques parentales, genre et voisinage (Bayly & Vasilenko, 2021).

Sur cette base théorique, les auteurs formulent les hypothèses de recherche suivantes :

1)    Les facteurs de risque sociaux et environnementaux seraient associés à plus de comportements à risque et à davantage de passages de conduites à risque faible vers des conduites risquées.

2)    Il existerait plusieurs niveaux de prise de risque chez les adolescents : faible prise de risque, prise de risque élevée et multiple, prise de risque élevée à dominante d’alcool et prise de risque élevée à dominante d’alcool et d’activités sexuelles risquées.

3)    Faire la transition d’un comportements à risque à un autre à l’adolescence serait significativement associé aux facteurs de risque sociaux (pairs et voisinage à risque, et faible surveillance parentale).

4)    Contrairement à leurs homologues féminines, les adolescents seraient plus susceptibles d’appartenir au statut à risque élevé et de passer d’un statut « risque faible » à un statut « risque plus élevé » au fil du temps.

 

Une étude essentielle pour le futur !

            Cette étude vise à combler un manque en cela que peu de recherches ont exploré les changements potentiels de prise de risque chez les adolescents et les facteurs liés à ces transitions. Par ailleurs, cette étude vise au développement d’interventions adaptées, permettant de prévenir et réduire les comportements à risque chez les adolescents, et limiter ainsi leurs conséquences négatives, potentiellement à long terme, sur les plans de la santé et du développement (Spring et al., 2012).


Comment les auteurs ont-ils étudié la prise de risque ?

Qui ? Où ?

            2 564 adolescents Bahamiens issus de divers programmes de réduction des comportements à risque ont participé à cette étude. Ils ont été suivis sur 1 an, durant l’une des trois années d’études secondaires, c’est-à-dire en classe de seconde, première ou terminale.

 

Quelles mesures ?

Les mesures suivantes ont été prises en considérant le sexe et l’âge des adolescents :

•    La participation des adolescents aux comportements à risque a été évaluée à l’aide de l’Inventaire comportemental des risques pour la santé des jeunes des Bahamas (Kaljee et al., 2016). Dans ce dernier figurent les comportements relatifs à la délinquance (par exemple, absentéisme ou suspension scolaire, port d’un couteau ou d’un tournevis, bagarre), la consommation de substances (cigarettes, alcool ou drogues) et les comportements sexuels (relations sexuelles sans protection et/ou multiples).

•    La fréquence de ces activités à risque dans le voisinage à été mesurée à l’aide de questions posées aux adolescents à propos de leurs voisins.

•    La participation des pairs à ces comportements à risques à été mesurée via des questions posées aux adolescents à propos de leurs pairs.

•    Le niveau de surveillance parentale a été évaluée à l’aide de l’échelle de Small et Kerns (1993).


Résultats : ça donne quoi ?

 Hypothèse 1: : validée !

Quatre statuts de prise de risque ont été trouvés

 

Figure 1 : Diagramme de répartition des statuts de conduite à risque

 

 

 

 

 




Hypothèse 2 : Hypothèse 2 : non validée !

Dans l’ensemble, les adolescents étaient plus susceptibles de rester dans le même statut que de passer à d’autres statuts, même lorsque les facteurs de risque sociaux étaient importants


Figure 2 : Illustration de l’absence de transition significative entre les statuts

 

 

 

 

 


Hypothèse 3 : validée !

Conformément à ce que pensaient les auteurs, le sexe est significativement lié à la prise de risque des adolescents : les hommes avaient plus de probabilité que leurs homologues féminins de se situer dans un statut à risque élevé et/ou de passer vers des prises de risques plus importantes ultérieurement.

Figure 3 : Graphique illustrant la différence de participation aux comportements à risque selon le type de risque et le sexe

 

 


Hypothèse 4 : validée !

Les adolescents exposés à des niveaux plus élevés de voisinage et de pairs à risque avaient une probabilité accrue d’être dans un statut à prise de risque plus élevé, contrairement aux adolescents ayant un meilleur suivi parental.

 

Figure 4 : Illustration du lien entre facteurs de risque sociaux et statut de prise de risque

 

 


  

En somme : que retenir et comment agir ?

1)     4 statuts de comportements à risque

            Quatre statuts de prise de risque ont été trouvés : faible prise de risque, prise de risque élevée et multiple, prise de risque élevée à dominante d’alcool et prise de risque élevée à dominante d’alcool et d’activités sexuelles risquées.

Les interventions visant à réduire ces comportements à risque à l’adolescence gagneraient à commencer le plus tôt possible afin de faire prendre conscience dès le jeune âge de leurs dangers et ainsi éviter le passage d’un statut de prise de risque faible à élevé et multiple.

 

2)    Influence du sexe

            Les hommes ont plus de probabilité que les femmes de se situer dans un statut à risque élevé et/ou de passer vers des prises de risques plus importantes ultérieurement.

Les interventions visant à réduire les comportements à risque devraient mettre l’accent sur cette statistique épidémiologique et tenter de transmettre à tous des stratégies qui favorisent la régulation émotionnelle, la gestion du stress, la résilience, la résistance à la pression des pairs et l’autonomisation ; facteurs identifiés par des précédentes études comme diminuant la prise de risque à l’adolescence (Kallianta et al., 2021; Veenstra et Laninga-Wijnen, 2022).

 

3)     Effet des facteurs de risque sociaux sur les comportements à risque

            Les adolescents ayant davantage de voisinage et de pairs à risque dans leur entourage ont une probabilité plus importante de se situer dans un statut à prise de risque plus élevé, contrairement aux adolescents ayant un meilleur suivi parental.

Les interventions les plus efficaces pour réduire les comportements à risque des adolescents sont donc celles impliquant de multiples acteurs (les parents, les pairs, les écoles et les communautés) et qui abordent de multiples prise de risque (alcool, substance, activité sexuelle à risque…).  De plus, des interventions ciblées devraient être élaborées pour les adolescents à risque élevé, comme ceux vivant dans des quartiers à risque élevé, et/ou qui ont des pairs qui adoptent des comportements à risque. Enfin, impliquer les parents et les aider à mieux se connecter à leur adolescent plus âgé pourrait être bénéfique pour l’intervention (Dinaj-Koci et coll., 2015).

 

Limites de l’étude

            Cependant, l’étude et Guo et al. (2023) présente également certaines limitations :

1)    Les comportements à risque des adolescents ont été auto-déclarés, de sorte qu’ils peuvent être sous-estimés, puisque sujets à la désirabilité sociale (le fait de répondre ce que l’on pense être attendu).

2)    Les études longitudinales nécessitent souvent de grands ensembles de données. Cela n’a cependant pas pu être le cas dans le groupe témoin de cette étude.

3)    Enfin, l’étude a recueilli des données sur les adolescents ayant fréquenté l’école secondaire, les résultats de l’étude ne s’appliquent donc qu’aux élèves du secondaire et ne peuvent s’appliquer aux décrocheurs scolaires.


REFERENCES
Bayly, B. L., & Vasilenko, S. A. (2021). An ecological latent class model of adolescent risk and protective factors: Implications for substance use and depression prevention. International Journal of Behavioral Development, 45(4), 355–367.
Dinaj-Koci, V., Deveaux, L., Wang, B., Lunn, S., Marshall, S., Li, X., & Stanton, B. (2015). Adolescent sexual health education: Parents benefit too! Health Education & Behavior, 42(5), 648–653.
Guo, Y., Yang, Y., Deveaux, L., Dinaj-Koci, V., Schieber, E., Herbert, C., Lee, J., & Wang, B. (2023). Exploring effects of multi-level factors on transitions of risk-taking behaviors among Bahamian middle-to-late adolescents. International Journal of Behavioral Development, 47(3), 210‑220. https://doi.org/10.1177/01650254221148117
Kaljee, L., Wang, B., Deveaux, L., Lunn, S., Rolle, G., Villar, M. E., & Stanton, B. (2016). Cross-sectional data on alcohol and marijuana use and sexual behavior among male and female secondary school students in New Providence, The Bahamas. International Journal of Adolescent Medicine and Health, 28(2), 133–140.
Kallianta, M. D. K., Katsira, X. E., Tsitsika, A. K., Vlachakis, D., Chrousos, G., Darviri, C., & Bacopoulou, F. (2021). Stress management intervention to enhance adolescent resilience: A randomized controlled trial. EMBnet Journal. Advance online publication. https://doi.org/10.14806/ej.26.1.967
Moore, S., & Gullone, E. (1996). Predicting adolescent risk behavior using a personalized cost-benefit analysis. Journal of Youth and Adolescence, 25(3), 343‑359. https://doi.org/10.1007/bf01537389
Parents : conduites à risques à l’adolescence, comprendre pour. (2019, 24 février). Tours Métropole Val de Loire. https://www.tours-metropole.fr/agenda/parents-conduites-risques-ladolescence-comprendre-pour-prevenir
Small, S. A., & Kerns, D. (1993). Unwanted sexual activity among peers during early and middle adolescence: Incidence and risk factors. Journal of Marriage and the Family, 55(4), 941–952.
Spring, B., Moller, A. C., & Coons, M. J. (2012). Multiple health behaviours: Overview and implications. Journal of Public Health, 34(S1), i3–i10.
Steinberg, L. (2004). Risk taking in adolescence: What changes, and why? Annals of the New York Academy of Sciences, 1021(1), 51–58.
Veenstra, R., & Laninga-Wijnen, L. (2022). Peer network studies and interventions in adolescence. Current Opinion in Psychology, 44, 157–163.

ILLUSTRATION : Freepik


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