Synthèse de l’article : Hoyniak, C. P., Bates, J. E., Camacho, M. C., McQuillan, M. E., Whalen D. J., Staples, A. D., Rudasill, K. M., & Deater-Deckard, K. (2022). The physical home environment and sleep: What matters most for sleep in early childhood. Journal of Family Psychology, 36(5), 757-769. http://dx.doi.org/10.1037/fam0000977.
Synthèse rédigée par Estelle GRAND et Lauryne DENIEL, étudiantes en Master 1 Psychologie du Développement, Université Paris 8.
76% des enfants âgés de 6 mois à 3 ans dormiraient moins de 11 heures par jour en semaine, alors qu’ils auraient besoin de 12 à 15 heures de sommeil (Institut National du Sommeil et de la Vigilance, 2022). Cette diminution de la durée de sommeil est renforcée par l’arrivée des écrans. Les enfants de 2-3 ans utilisent en moyenne les écrans 2 à 3 heures par jour alors qu’une non-utilisation est préconisée avant l’âge de 3 ans (Leblanc, 2017). Cette surconsommation des écrans a des effets délétères sur la qualité du sommeil, tels qu’une heure de couchée plus tardive ou encore des réveils plus nombreux nocturnes. Ces effets sont accrus lorsque les écrans sont utilisés avant le coucher, car ils engendrent des durées de sommeil plus courtes (Staples et al., 2021).
Avoir un sommeil dégradé a également des conséquences négatives sur les performances cognitives (Hoyniak et al., 2019). Par ailleurs, vivre dans des conditions dégradées prédit le sentiment de désespoir et d’impuissance face au domaine scolaire pour les enfants économiquement défavorisés (Brown, 2008). La National Sleep Foundation propose des recommandations afin d’adapter au mieux l’espace de sommeil de l’enfant. Par exemple, une lumière basse dans la chambre (une veilleuse par exemple), ainsi qu’une température ambiante entre 18° et 20° sont favorables à un sommeil optimal (Sécurité Sociale, l’Assurance Maladie, 2021).
Bien que les études sur le sommeil soient difficiles à mettre en place, car les mesures fiables sont souvent invasives (polysomnographie), l’objectif de cette étude est d’examiner les aspects de l’environnement physique qui impactent le plus la qualité du sommeil en s’appuyant à la fois sur des méthodes physiologiques, environnementales et sur des questionnaires complétés par les parents.
Comment mesurer le sommeil des tout-petits ?
Dans cette étude, les auteurs ont posé des questions aux parents afin de collecter des informations sur le sommeil de l’enfant. En complément, un binôme d’assistants chercheurs entraînés à l’observation se rendait chez les familles au cours de l’heure précédant le rituel de coucher afin de recueillir des éléments sur l’environnement de sommeil et l’environnement de la maison.
Pour réaliser cette étude longitudinale, 546 enfants habitant aux Etats-Unis ont été évalués à trois âges différents : 30, 36 et 42 mois. Les expérimentateurs ont équipé les enfants d’un actigraphe durant 1 à 2 semaines, un appareil de mesure porté autour du poignet ou de la cheville qui enregistrait la qualité de leur sommeil tout au long de la nuit. En complément du questionnaire rempli par les parents, les indicateurs retenus pour évaluer la qualité du sommeil étaient : la durée de sommeil, l’heure du coucher, la variabilité du sommeil, l’activité motrice et la latence d’endormissement.
En parallèle, les auteurs ont pris en compte des paramètres comme la qualité de la chambre (confort, bruit, propreté/rangement et luminosité) et l’environnement de la maison (sécurité générale, organisation et agencement). Ils ont complété ces mesures avec les indicateurs suivants : questionnaire sur l’environnement général (la sécurité et la tenue du foyer), l’ambiance du logement (à l’aide d’une échelle de Likert allant de 1 = calme à 5 = chaotique), la perception des parents sur l’environnement de la maison, la taille de la maison via le ratio nombre d’habitants / nombre de chambres. Pour environ un tiers de l’échantillon, les observateurs ont également complété les indicateurs par les mesures complémentaires suivantes : la présence d’une chambre au calme, la mesure du niveau sonore, la propreté du logement, la présence de sources sonores externes (en-dehors des voix de la famille), le désordre et la surcharge du logement.
Les caractéristiques de la chambre de l’enfant qui influencent la qualité du sommeil
Les auteurs font le lien entre la qualité de l’espace de sommeil de la chambre et la qualité de sommeil. Les résultats obtenus indiquent qu’une mauvaise qualité de l’espace de sommeil perturbe la durée, le temps de sommeil, et la variabilité du sommeil à 30 et 36 mois. A 30 mois, cela entraîne également plus d’agitation au cours de la nuit. A 42 mois, avoir un espace de sommeil de moins bonne qualité a une influence négative sur la durée et le temps de sommeil. A chaque âge évalué, le partage de chambre et/ou le partage de lit avec un adulte a des conséquences négatives sur la qualité du sommeil de l’enfant, incluant le temps de sommeil, l’heure du coucher et la variabilité du sommeil. En effet, l’enfant se couche plus tard ou va naturellement vouloir se mettre au rythme de l’adulte avec lequel il dort et bénéficiera donc de moins d’heures de sommeil. Cependant, le partage de chambre avec un frère ou une sœur a un impact négatif moindre, leurs besoins de sommeil étant plus similaires car ils ont des âges semblables.
Les caractéristiques de la maison qui impactent la qualité de sommeil de l’enfant
Les résultats rapportés à l’aide des questionnaire parentaux, des questionnaires des observateurs et de l’actigraphie indiquent que la qualité générale de l’environnement de la maison impacte négativement le sommeil des enfants, mais les aspects impactés diffèrent selon l’âge. Par exemple, pour les enfants de 30 et 36 mois, la qualité générale de la maison impacte la durée, la variabilité du sommeil et l’heure du coucher. A 42 mois, la qualité de l’environnement familial impacte uniquement la variabilité du sommeil et l’heure du coucher.
Une mauvaise ambiance/organisation du foyer a également un effet délétère sur le sommeil de l’enfant. A 30 mois, elle impacte la durée, la variabilité, l’activité motrice et l’heure du coucher alors qu’à 36 et 42 mois elle a des effets uniquement sur l’heure du coucher. Plus les enfants grandissent et moins les facteurs liés à la qualité de l’environnement familial influent sur le sommeil.
Le désordre du foyer a des effets sur la qualité du sommeil de l’enfant. A 30 mois, le désordre a un effet sur tous les aspects de la qualité du sommeil étudié. Tandis qu’à 36 mois, cela a de l’effet uniquement sur l’activité motrice au cours de la nuit et à 42 mois, sur la durée de sommeil et l’heure du coucher. La propreté du logement joue un rôle sur la variabilité du sommeil à 30 mois, sur l’activité motrice à 36 mois et sur l’heure du coucher à 42 mois. Enfin, le fait qu’il y ait des sources sonores dans la maison impacte l’heure du coucher à 36 et 42 mois.
Enfin, la qualité du sommeil peut avoir un impact sur les comportements. Dans cette étude, les problèmes d'intériorisation (p.ex. l’anxiété) ont été associés à la variabilité du sommeil, et les capacités cognitives et académiques ont été associées à la durée du sommeil.
Pourquoi améliorer la qualité de sommeil dès le plus jeune âge ?
Il ressort de cette étude que les facteurs impactant le plus le sommeil de l’enfant sont la qualité de l’espace de sommeil, la qualité de l’environnement familial et du logement, ainsi que le fait de partager sa chambre et/ou son lit avec un adulte.
C’est donc un point de vigilance. Cependant, une bonne hygiène de sommeil peut parfois être compliquée à mettre en place, notamment dans les familles à faible revenu par exemple qui peuvent avoir moins de place dans leur foyer. Pour cela, il est important de trouver des alternatives comme de privilégier la seule chambre à l’enfant. Vivre dans des conditions dégradées serait prédicteur de difficultés scolaires et le sommeil jouerait un rôle modérateur dans cette relation (Brown & Low, 2008). Il est donc indispensable de sensibiliser toutes les familles à l’importance du sommeil et les conditions qui le permettent.
REFERENCES
L’assurance Maladie. (2021). Comment bien coucher un bébé ? https://www.ameli.fr/assure/sante/bons-gestes/bebe/coucher-bebe Leblanc A. (2017). Le bébé, la télé, la tablette et le smartphone. Enfances & Psy 2(74), pages 6 à 10. Staples, A. D., Hoyniak, C., McQuillan, M. E., Molfese, V., & Bates, J. E. (2021). Screen use before bedtime: Consequences for nighttime sleep in young children. Infant Behavior and Development, 62, Article e101522. https://doi.org/10.1016/j.infbeh.2020.101522
L’assurance Maladie. (2023). Mon enfant dort mal : comment réagir ? https://www.ameli.fr/seine-et-marne/assure/sante/themes/troubles-sommeil-enfant/que-faire-enfant-dort-mal
Réseau Morphée. (2021). Sommeil normal du bébé : de la naissance à 3 ans – le sommeil de l’enfant. Le sommeil de l’enfant. https://sommeilenfant.reseau-morphee.fr/bebe/sommeil-du-bebe/
Suni, E. (2023). Sleep Hygiene, Sleep Foundation. https://www.sleepfoundation.org/sleep-hygiene Institut National du Sommeil et de la Vigilance (INSV), MGEN. (2023). Le sommeil des enfants de moins de 10 ans et leurs parents. Enquête. https://institut-sommeil-vigilance.org/le-sommeil-des-enfants-de-moins-de-10-ans-et-leurs-parents-enquete-insv-mgen/ Brown, E. D., & Low, C. M. (2008). Chaotic living conditions and sleep problems associated with children’s responses to academic challenge. Journal of Family Psychology, 22(6),920–923. https://doi.org/10.1037/a0013652 Chen, Z., Dai, Y., Liu, X., & Liu, J. (2021). Early childhood co-sleeping predicts behavior problems in preadolescence: A prospective cohort study. Behavioral Sleep Medicine, 19(5),563–576. https://doi.org/10.1080/15402002.2020.1818564 Hoyniak, C. P., Bates, J. E., Staples, A. D., Rudasill, K. M., Molfese, D. L., & Molfese, V. J. (2019). Child Sleep and Socioeconomic Context in the Development of Cognitive Abilities in Early Childhood. Child Development, 90(5), 1718–1737. https://doi.org/10.1111/cdev.13042