Synthèse de l’article : Foody, M., Mazzone, A., Laffan, D. A., Loftsson, M., & Norman, J. O. H. (2021). “It's not just sexy pics”: An investigation into sexting behaviour and behavioural problems in adolescents. Computers in human behavior, 117, https://doi.org/10.1016/j.chb.2020.106662.
Synthèse rédigée par Yoann Ben Guigui, M2 ETPA, Université Paris 8
Qu'est-ce que le sexting ?
La pratique du sexting consiste à envoyer une photo ou une vidéo de soi dénudée par message (Klettke et al. 2014). Cette pratique (nouvelle), liée à l’usage des technologies numériques, se pratique de l’adolescence jusqu’à l’âge adulte. Cependant, les conséquences et les raisons qui poussent vers cette pratique diffèrent entre les adolescents et les adultes. C’est tout l’intérêt de l’article de Foody et al. (2020) cherche à identifier les facteurs de risque poussant les ados les plus fragiles à pratiquer le sexting. Nous proposons un résumé de cette étude, de ses résultats clés permettant de décrire au mieux les adolescents les plus à risque ; et des recommandations visant à mieux informer et armer les ados évoluant dans le monde 2.0.
Et à l'adolescence ?
L’adolescence est une période d’émancipation de sa famille et de recherche d’identité, en lien avec les pairs (Rodriguez et al., 2017). C’est aussi celle de l’exploration d’une sexualité naissante, dans un contexte où l’image imprègne profondément les sociétés occidentales (Cooper et al., 2016) et où les réseaux sociaux et les smartphones ont révolutionné la manière de communiquer (Rodriguez et al., 2017).
Selon Foody et al. (2020), 14.8% des adolescents envoient des sextos et 27.4% d’entre eux en reçoivent. Les filles seraient plus à risque de ressentir des conséquences émotionnelles négatives lors de la pratique du sexting par rapport aux garçons. La représentation sociale du sexting diffère pour les deux sexes. Les filles seront perçues comme peu respectables alors que les garçons gagneront en popularité! D’autre part, dans la communauté LGBTQ, la pratique du sexting serait plus fréquente et participerait au bien être en atténuant la perception des discriminations dont ils pourraient être l’objet.
Quelles conséquences psychologiques et émotionnelles ?
Bien que les études précédentes sur le sujet divergent quant à l’existence d’une symptomatologie dépressive préexistante à la pratique du sexting, Gàmez-Guadix et Santisteban (2018) précisent que les adolescents déprimés pourraient avoir plus de mal à résister à la pression d’autres adolescents concernant l’envoi de sextos. Ils montreraient plus d’émotions négatives (Dake et al., 2012) et de problèmes de régulation émotionnelle (Houck et al., 2014). D’après Englander (2012) les adolescents ayant pratiqué le sexting sous l’insistance d’un autre adolescent au lycée, montraient un niveau d’anxiété supérieur à ceux ne l’ayant pas pratiqué. De plus, ces derniers seraient plus à risque d’être déprimés au moment d’entrer à l’université. Cependant certaines études indiquent que le sexting pourrait contribuer à l’exploration de l’identité sexuelle (Gamez-Guadix & Santisteban, 2018 ; Klettke & al., 2014). Quant aux études menées auprès de jeunes adultes, elles n’indiquent pas de lien entre sexting et difficultés émotionnelles (Gordon-Messer et al., 2013). Les caractéristiques des adolescents pratiquant le sexting restent floues, il est donc nécessaire de mieux comprendre ce phénomène.
L'objectif de cette étude
L’objet de l’article de Foody et al. (2020) est d’étudier de façon distincte le fait d’envoyer ou de recevoir un sexto afin de mieux comprendre leur implication respective sur les problèmes de comportement. Ils ont interrogé par questionnaire 848 adolescents Irlandais, âgés de 15 à 18 ans (16.4 ans en moyenne, 45.8% de garçon, 52.7% de fille et 1.5% indiquant autre). Les auteurs ont utilisé le questionnaire « Strenghts and difficulties Questionnaire[1] » (SDQ) afin d’explorer les problèmes de comportements classés en 5 catégories : trouble des conduites, problèmes d’ordre émotionnels, difficultés relationnelles avec les pairs, problème d’hyperactivité et comportements pro-sociaux.
Quels sont les résultats obtenus ?
Concernant la prévalence et le contexte :
- Recevoir des sextos est plus commun (9.4%) que d’en envoyer (4.3%).
- La plupart des échanges de sextos s’effectuent au sein d’un couple.
- 12.6% des adolescents sont identifiés comme émetteurs et receveurs, alors que la majorité (73.6%) n’est pas impliqué dans le sexting.
- Une minorité des adolescents rapportent envoyer (volontairement ou suite à une demande) ou recevoir des sextos d’adultes ou de personnes qu’ils ne connaissent pas.
Concernant le genre :
- Les filles seraient plus souvent la cible de demande de sexto que les garçons. Ces derniers rapportent recevoir plus de sextos que les filles après les avoir demandés.
- Les résultats ne révèlent pas de différence de genre pour les émetteurs.
- Les filles reçoivent plus de sextos non désirés que les garçons.
Concernant les résultats à la SDQ (les problèmes de comportements) :
- Les émetteurs présentent moins de troubles des conduites que les émetteurs/receveurs, qui en présentent plus que les non-sexteurs. Cela pourrait s’expliquer par la différence d’implication ; envoyer un sexto est une action volontaire s’inscrivant dans le contexte d’une exploration de sa sexualité et d’un désir d’intimité. En revanche, recevoir un sexto est plus souvent une action passive, parfois non désirée, ce qui pourrait troubler émotionnellement l’adolescent.
- Les receveurs présentent plus de difficultés émotionnelles que tous les autres groupes. Les auteurs avancent plusieurs raisons pour expliquer ce fait ; la première considère que recevoir un sexto n’est pas un acte délibéré et pourrait alors être perçu comme intrusif ; la seconde en lien avec la première, est que ce groupe présente plus de problème des conduites que le groupe des non-sexteurs.
- Les émetteurs/receveurs sont plus souvent des garçons, ce qui pourrait s’expliquer par le fait qu’ils seraient moins la cible de jugement lors de la pratique du sexting. Les émetteurs/receveurs présentent plus de problème d’hyperactivité que les non-sexteurs, marquant ainsi un possible problème d’impulsivité et d’autorégulation. Globalement, ils présentent un score total plus élevé à l’échelle totale des difficultés de la SDQ. Ainsi, être impliqué dans ce type d’expérience pourrait être troublant et certains adolescents pourraient ne pas être équipés pour faire face au sexting et à ses potentielles conséquences négatives. Ils présentent plus de difficultés relationnelles avec leurs pairs et pourraient utiliser le sexting pour les taquiner. Les adolescents LGBTQ sont plus susceptibles de faire partie des émetteurs/receveurs de sextos, ceci est interprété comme étant lié à une liberté d’expression de leur propre sexualité plus facile en ligne.
En conclusion
Le sexting est un sujet sensible et difficile à étudier, ce qui en complexifie la compréhension. Cette étude pointe l’intérêt de prendre en compte le genre pour étudier l’implication de chacun dans le sexting, mais aussi de séparer les pratiques du sexting. En effet, les conséquences ne sont pas les mêmes pour les adolescents en fonction du type de pratique. Les distinguer semble crucial pour mieux comprendre si les problèmes comportementaux sont un antécédent ou une conséquence à la pratique du sexting. Chaque manière de pratiquer le sexting est associée avec des effets négatifs sur la santé mentale différents, comparativement aux adolescents non-sexteurs. En résumé, un adolescent présentant des difficultés de comportement serait plus vulnérable et impulsif et penserait moins aux potentielles conséquences négatives de cette pratique. En retour cela pourrait contribuer à augmenter certains problèmes de comportement.
Concrètement, cette étude montre qu’il est nécessaire de prendre en considération que le sexting fait partie de l’exploration sexuelle des adolescents. Toutefois, elle souligne la nécessité de proposer des programmes d’éducation à la sexualité dont l’objectif serait d’accompagner les adolescents qui décideraient de s’engager dans un échange de sextos, plutôt que d’interdire cette pratique. Ces programmes, afin d’être plus efficaces, devront être délivrés dans un cadre prônant la confidentialité et avant le début de l’exploration sexuelle. Le contenu devra aborder, entre autres, la thématique du consentement et questionner les normes autour du partage de photos dénudées.