Synthèse de l’article : Ganci, M., Atkins, L. & Roberts, M.E. (2021). Exploring alternatives for adolescent anorexia nervosa: adolescent and parent treatment (APT) as a novel intervention prospect. Journal of Eating Disorders 9, 67. https://doi.org/10.1186/s40337-021-00423-7
Synthèse rédigée par Anna BLANC, Master 2 ETPA, Université Paris 8
L’anorexie est définie par le DSM-V (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et des troubles psychiatriques) selon 3 critères : (i) la restriction alimentaire ; (ii) la peur intense de devenir grosse et (iii) l’altération de la perception du poids, l’influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou manque persistant de reconnaitre la gravité relative à la maigreur actuelle. Selon l’INSERM (2017), il s’agit du trouble du comportement alimentaire le plus sévère à l’adolescence. L’anorexie vient perturber trois processus clés de l'adolescence : le développement de l'identité, la gestion des émotions et la construction de relations (Fitzpatrick et al., 2010).
Les taux de guérison et de rémission de l'anorexie après une psychothérapie familiale ont connu un déclin relatif ces dernières années (Ganci et al., 2021). Bien que ces traitements permettent fréquemment d’atteindre la guérison physique, c'est-à-dire la restauration du poids, un manque d'attention au rétablissement psychologique de l'adolescent est souvent souligné (Ganci et al., 2021). Il est donc nécessaire d'innover pour explorer des alternatives de traitement pour les adolescents qui ne répondent pas favorablement à ce traitement de première intention.
C’est dans ces conditions qu’a été pensé l’APT, l’Adolescent-Parent Treatment, qui se centre sur la récupération physique et psychologique de l’adolescent. Ganci et al. (2021) en présentent les principaux objectifs et le déroulement de ce traitement.
Qu’est-ce que l’APT ?
L'APT est un prototype de traitement récemment développé, qui s’inspire de l'Ego Oriented Individual Treatment, EOIT, (Robin et al., 1999), traitement individuel développé dans les années 1980 aux Etats-Unis et spécifique au traitement de l’anorexie. Dans l'EOIT, l'adolescent suit une psychothérapie individuelle axée sur la force du moi, le style d'adaptation, l'individuation et le développement de l'identité. Les parents bénéficient de l’éclairage d’un diététicien pour les aider dans l’effort de réalimentation, et d’une psychoéducation pour les accompagner dans le soutien de leur enfant.
L’APT s'inspire des approches de traitement familial et individuel contre l’anorexie, ainsi que de la compréhension des facteurs de prédisposition et de maintien de l'anorexie. Il aborde la guérison physique et psychologique simultanément et dès le début du traitement par le biais d'une réalimentation parentale intensive : le rôle des parents dans la réalimentation a été renforcé et soutenu par le biais d’un psychologue et d'un diététicien. Il comprend quatre modules de traitement individuel ciblés qui répondent aux besoins psychologiques, émotionnels, tempéramentaux et développementaux de l'adolescent : la formation de l’identité, la gestion des relations sociales, la gestion des émotions et leur régulation, ainsi que le sentiment d’appartenance.
Le traitement consiste en 20 à 30 séances, étalées sur 9 à 12 mois. Il utilise un modèle de soins collaboratifs et centrés sur le patient, en tenant compte de l'âge et des besoins de l'adolescent, de la gravité de l'anorexie, du niveau d'intuition et de motivation, et de la capacité des parents. Il s'agit d'un cadre à utiliser à l'adolescence comme auprès de jeunes adultes (12-24 ans).
Quelles sont les différentes phases de ce traitement ?
L'APT est conceptualisé en trois phases de traitement actif.
Une première phase se concentre sur la psychopédagogie, pour fournir aux parents une psychoéducation concernant l'anorexie et son impact sur leur adolescent, dans le but de réduire les conflits et de maintenir une alliance forte entre parents et enfants. L’adolescent, via un travail psychoéducatif et psychologique individuel doit « tenir tête » à sa maladie en apprenant à l’extérioriser et en développant un sens profond de soi (comprendre, explorer et accepter ses propres traits de personnalité, ses critiques internes et ses sources/valeurs internes). Ce travail est déterminé à la suite d’une évaluation qui consiste à acquérir une compréhension approfondie de l'adolescent (la symptomatologie, les comorbidités, les traits de caractère, le fonctionnement psychosocial et développemental, le style d'attachement, la motivation à changer), mais également des parents et du système familial (le style parental, la cohésion parentale, la culture alimentaire de la famille, l'harmonie avec l'enfant). Cela permet d’individualiser et d’adapter le traitement à chaque adolescent. Les séances de la phase 1 durent jusqu'à 90 minutes : 30 minutes pour le travail de l'adolescent, 30 minutes pour le travail des parents et 30 minutes pour réunir la famille. Les adolescents sont prêts pour la phase 2 lorsque la récupération du poids fixée en début de thérapie est établie et que la motivation pour la récupération est évidente après des entretiens motivationnels.
La phase 2 se concentre sur le traitement psychologique de l'adolescent avec un maintien de la réalimentation. Les séances hebdomadaires durent 60 minutes, avec une plus grande part consacrée au travail des adolescents. L'implication des parents dans le traitement diminue progressivement. La responsabilité de l'alimentation passe des parents à l’adolescent, l'objectif étant que l'adolescent retrouve progressivement de l'autonomie à mesure des progrès de son rétablissement.
Au cours de la phase 2, le travail de l’adolescent se concentre sur quatre concepts clés.
Faire face à la maladie en l’externalisant, en l’identifiant et en la remplaçant par des stratégies d'adaptation plus efficaces.
Gérer ses émotions, comprendre ses états émotionnels, et passer d'un état de menace à un état de sécurité et de connexion avec soi-même.
Construire un sens profond de soi en comprenant, explorant et acceptant ses propres traits de personnalité, ses critiques internes et ses valeurs internes.
Prendre en compte les défis du développement qu’on traverse, via une psychoéducation sur son développement physique et neurologique, la construction de la confiance en soi, la gestion des relations, et l'exploration de ses intérêts.